Amoureux d'un homme. De son meilleur ami. Depuis quatre ans. Qu'ils étaient amis. Qu'il était amoureux ? Haruto s'aspergea une nouvelle fois le visage d'eau glacée. Il était prêt. A en parler. Non, il ne l'était pas. Pas vraiment. Mais il le devait. Parler à quelqu'un d'autre que le principal concerné. Oui, mais à qui. Haruto y avait longuement réfléchi... Non en fait, pas vraiment. La réponse s'était presque imposée d'elle-même. Erena. Oui, sa sœur était assez ouverte d'esprit. Non, ce n'était peut-être pas ça qui l'avait persuadé de lui en parler. En vérité, il ne saurait dire pourquoi. Mais elle était la première personne qui lui était venue à l'esprit. Comme une évidence, oui. Et lui, comme un homme, il allait se décider à y aller, ou il finirait pas être en retard.

Devant la porte du nouvel appartement de sa petite sœur, Haruto hésita. Il ne pouvait pas faire demi-tour. Il connaissait Erena – puis il venait de s'annoncer, quelques instants plus tôt. Il pouvait toujours parler d'autre chose. Non, pas après le message quasi désespéré qu'il lui avait envoyé. Il ne saurait dire – puisque avec elle, on ne savait jamais – mais il lui avait semblé que sa cadette paraissait vraiment concernée par ce qu'il lui arrivait. Se parant de son plus beau sourire – peut-être un peu faux, cependant – Haruto finit par frapper à la porte. Son cœur accéléra cruellement sa cadence, alors qu'il faisait de son mieux pour avoir l'air calme. « Bonjour Erena ! Ça faisait longtemps ! » Depuis sa soutenance de thèse. Sûrement pas assez longtemps pour elle. Du mieux qu'il put, Haruto se retint de l'enlacer, lui souriant néanmoins un peu moins largement qu'il l'aurait souhaité. Agir normalement. Comme s'il n'allait pas lui annoncer qu'il remettait sa sexualité en doute à cause de son meilleur ami.

Haruto pensa à ses fans. A celles qui s'imaginaient des fantaisies entre eux. Juste en les ayant aperçu ensemble, au bal de Noël de l'académie Eita. Avaient-elles vu ce qu'eux deux refusaient de voir ? Ce qui lui refusait de voir. Ce n'était pas réciproque. Haruto devait s'y faire. Il n'avait pas le droit de douter de Ji Hoon. Ça n'aurait été qu'un moment d'égarement dû à l'alcool. Rien d'autre. Ils n'était pas les premiers à qui ça arrivait, ne seraient sans doute pas les derniers. Mais lui, est-ce que ça avait toujours été évident pour ceux qui les voyaient ensemble ? Ils avaient toujours été proches, certes. Trop proches ? Ça lui avait toujours paru naturel, ça ne l'avait jamais dérangé. Toucher Ji Hoon, un peu plus longtemps que nécessaire. Lui tenir la main pour mieux trouver le sommeil, lorsqu'ils avaient bu...

Haruto devait arrêter d'y réfléchir. Son esprit était déjà si confus... Et il se rendit compte qu'il fixait Erena sans rien dire depuis assez longtemps pour qu'elle ait l'occasion de lui lancer une pique. Que dirait-elle. Ça l'angoissait, maintenant. Il lui sourit, entra dans l'appartement. Une meilleure décoration que dans le précédent l'accueillit. Mais l'aîné n'en fit aucun commentaire. Rester silencieux allait lui porter préjudice. Il le savait bien. Viendraient les questions, et il n'était pas certain d'y être préparé. « Rassure-toi, personne n'est mort. » Vaine tentative d'humour alors que lui revenait en mémoire sa façon de l'accueillir, la dernière fois qu'il s'était permis de la déranger chez elle. Personne n'était mort, juste son hétérosexualité qui s'était évaporée au contact d'un certain Sino-Coréen. Prenant place, Haruto chercha comment aborder le sujet. Peut-être sans détour. Après tout, il parlait avec Erena. Son regard se posa sur elle. Oui, elle était décidément la seule personne avec qui il pouvait objectivement parler de tout ça.

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Un bien mauvais psychiatre. Peut-être bien qu'il l'était, au fond. Que ce métier n'était pas à ce point fait pour lui, comme il avait pu le penser. Qu'il s'était fourvoyé. Sur tout. Sur sa vocation, sur ses convictions, sur sa vie en général. Haruto avait l'impression de perdre pieds, que tous ses repères éclataient et le laissaient seul dans le noir complet. Il était perdu, et avait vraiment besoin d'aide. Erena représentait sûrement ce phare dont il avait tant besoin. Peut-être arriverait-elle à l'éclairer au mieux, à l'aider à comprendre ce qui n'allait plus chez lui.

Au fond, Haruto savait très bien ce qui lui arrivait, mais peut-être bien que ça le paniquait un peu trop. Qu'il s'efforçait de ne rien laisser paraître, alors que tout ça lui donnait envie de hurler. Peut-être bien qu'il n'était pas aussi fort et calme qu'il voulait le faire croire. Que tout ça le perturbait bien plus qu'il ne voulait l'admettre. Il avait besoin de partir, il avait envie de partir. Loin. Fuir n'était jamais une solution, mais prendre du recul était souvent bénéfique. Le jeune psychiatre accepterait de participer à ce séminaire. A peu près deux semaines loin de Tokyo, et tout ce qui le chamboulaient ici. Une vingtaine de jours où il penserait à autre chose. Peut-être. Sûrement. Non, pas du tout. Il savait très bien que ça le poursuiverait.

Son regard fuyait Erena malgré lui. Faisant mine d'observer la décoration, Haruto l'écoutait d'une oreille distraite. Le stress le saisit brutalement, plus violemment que jamais, et il se senti vraiment mal à l'aise. Lui qui savait généralement tenir tête à sa sœur. « C'est compliqué. » Non, ça ne l'était pas. C'était même très simple, au contraire. Et peut-être que c'était ça qui le paniquait le plus, au final. Que ce soit si évident, qu'il n'y ait, en fin de compte, rien qu'il ne puisse vraiment faire contre. C'était simple, mais comment lui dire. Les mots ne lui venaient pas aussi facilement qu'il l'aurait voulu. Pas de bégaiements, pas d'hésitations. Haruto ne tournait même pas autour du pot, il ne disait carrément rien.

Se grattant nerveusement l'arrière du crâne, l'aîné releva lentement le regard vers sa cadette. Finalement, c'était peut-être bien de sa réaction, dont il avait le moins peur. Il craignait celle de ses parents, bien évidemment, mais également celle de Haruno. De toute manière, il ne leur dirait sûrement pas. Puisqu'il ne se passerait jamais rien, entre eux. Pas plus que ce qu'il s'était déjà passé, et qui n'arriverait plus jamais. C'était simplement des sentiments non-partagés, avec lesquels Haruto devrait apprendre à vivre. « Je suis amoureux. » Un temps d'arrêt. Son cœur battait si vite. Il prit une grande inspiration, peut-être deux. « De Ji Hoon. » Sa voix était si blanche, qu'il ne la reconnut presque pas. Et malgré tout ses efforts, Haruto ne parvint pas à soutenir le regard de sa petite-sœur. « Erena, je ne comprends pas ce qu'il m'arrive... » Il était tombé amoureux, la belle affaire. D'un homme, son meilleur ami. Un rire nerveux le secoua. « Je crois que je l'aime depuis plus longtemps que ce que je veux bien avouer. »

Joignant ses mains devant lui, il posa ses coudes sur ses genoux, légèrement penché en avant. Sa bouche se tordit en un drôle de rictus. « Je n'ai jamais eu la moindre attirance pour un homme... J'ai aimé mes petites-amies... » Du moins l'avait-il sincèrement crû, jusque-là. « Mais il s'est passé tellement de choses... Et ça m'a fait réaliser à quel point il est important... A quel point je l'aime... » Les mots butaient les uns sur les autres. Haruto n'aurait pas pensé en dire autant, il osait à peine relever les yeux vers Erena. L'une de ses mains se perdit dans sa chevelure rouge, tandis que l'autre pendait mollement entre ses genoux. Il était tellement perdu, lui le psychiatre qui semblait toujours avoir réponse à tout. Et en même temps, il n'était même pas sûr de savoir pourquoi il avait besoin d'aide...  

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Toutes ses condoléances pour son hétérosexualité. Haruto déglutit. Elle n'était pas morte. Jamais il n'aurait succombé pour un autre homme. Ça, le psychiatre en était certain. Il n'était gay que pour Ji Hoon, et ne le serait que pour lui, pour toujours. Cette conviction ne le quittait pas, et ce point était à peu près le seul pour lequel il était sûr. Ji Hoon était une exception. L'exception. Qui confirmait la règle de son hétérosexualité. Elle était simplement cachée, perdue. A jamais, peut-être, parce que Haruto n'avait pas vraiment envie de la retrouver, en toute honnêteté.

Cependant, la remarque de sa sœur le fit sourire. C'était si rare, une plaisanterie de sa part. Si tant était que s'en fut une, mais Haruto aimait le penser. La main sur son épaule le réconforta un peu. Si l'humour de sa cadette était déjà rare, faire preuve d'affection l'était tout autant, si ce n'était plus. Et c'était comme ça que l'aîné voulait le voir. Erena l'aimait, quelque part. Très enfoui. Au fond d'elle-même. Il en restait persuadé. Peut-être que cette discussion avec Haruno l'avait plus perturbé qu'il ne l'aurait pensé.

Secouant la tête en réponse aux propos insensés de sa petite-sœur, Haruto poussa un gémissement mi-agacé, mi-plaintif. Peut-être dramatisait-il un peu, certes. Cependant, il se pensait légitime. Et il ne releva pas la pique. Erena s'en prenait si souvent à lui, à sa virilité. Ça l'atteignait peut-être encore, mais il avait appris depuis longtemps à ne plus répliquer. Il lui jeta tout de même un coup d’œil sévère. Oui, vraiment, ça commençait doucement à ne plus le faire rire du tout. Mais pour éviter un débat stérile, il ne fit aucun commentaire. Comme d'habitude.

« C'est un enchaînement d'événements récents qui me l'ont fait réaliser... » Peut-être que son soupir fut un peu plus long et plus lourd qu'il ne l'avait prévu. Quel était le problème ? Justement, qu'il l'ait avoué à Ji Hoon. Haruto l'avait voulu, mais, au final, il n'aurait sans doute pas dû. Ça compliquait encore plus les choses, que de simplement le réaliser.

Que Erena mentionne leurs parents lui tira un rictus. Ce n'était pas qu'il n'y avait pas pensé. C'était surtout qu'il faisait tout pour ne pas le faire. Sa mère adorait tellement Ji Hoon... Haruto ne savait pas pourquoi c'était la première chose qui lui venait à l'esprit. Peut-être parce qu'il espérait qu'elle l'accepterait mieux, puisque c'était lui. Ce si charmant jeune homme, si beau, si drôle. Son fils avait tellement de chance d'avoir un meilleur ami comme ça. Que dirait son père... Que dirait Haruno. Son cœur s'affolait et une boule lui tordait le ventre. Mais de quoi avait-il peur. Ce n'était pas comm s'il devrait faire un réel coming-out aux Kamiya. Puisque Ji Hoon ne partageait pas ses sentiments. Il l'aimait, il le lui avait dit. Mais d'une autre façon.

« Je lui ai avoué, tu sais. Il m'a répondu que ce n'était pas réciproque. » Haruto rit bêtement. Bien sûr, quelle idée. A quoi s'était-il attendu ? A ce que son meilleur ami se jette dans ses bras d'émotion, en lui hurlant qu'il l'aimait en retour, qu'il avait tellement attendu qu'il lui avoue ? Ridicule. Pourtant... « Il m'a embrassé... » Ses yeux qui s'étaient égarés quelque part dans le vide se reposèrent sur Erena. Elle, elle était prête à tout entendre. Pas de détours, pas d'hésitations, pas de bégaiements. « Je l'ai embrassé, plutôt. Et il m'a répondu. » Y repenser accélérait indubitablement son rythme cardiaque. « Plusieurs fois. » Sa cadette n'avait peut-être pas besoin de tous les détails. Sa main s'égara dans ses mèches rouges. Il savait que ses propos étaient confus, qu'il devait mettre de l'ordre dans ses pensées. Dans ce qu'il disait à Erena, afin d'être clair. Mais il était tellement perdu. « Je ne comprends vraiment plus rien... » Parce qu'à l'heure actuelle, seul le fait qu'il était tombé amoureux de Ji Hoon semblait irrévocable.

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Il l'aimait. Ce n'était pas réciproque. Il l'embrassait. Ils s'embrassaient. Plusieurs fois. Chastement. Passionnément. Son cœur qui s'emballait. Son corps qui avait besoin d'être contre le sien. Qui réagissait un peu trop bien au contact du sien. Si Haruto fermait les yeux, il revoyait un peu trop bien ces images. Dans son salon, dans sa cuisine, dans la chambre de son ami. Son rythme cardiaque s'affolait, il rougissait sûrement comme une collégienne. Ses oreilles, en tout cas. Ji Hoon le rendait fou, fou amoureux. Jamais le Japonas n'avait eu pareils sentiments pour quelqu'un. Aucune femme n'avait compté pour lui comme comptait son meilleur ami. Même avant ça. Ji Hoon passait avant n'importe laquelle de ses relations amoureuses. Parce qu'au fond, peut-être que Haruto avait toujours su qu'il voulait que ce soit lui, sa relation amoureuse qui compterait avant toutes les autres. Il savait, pourtant, que le Coréen avait une place particulière dans son cœur. Que meilleur ami n'avait jamais suffit à assez bien décrire leur relation, mais à défaut de meilleure expression, c'était celle qu'il avait adopté.

Essayer de se concentrer ? Haruto fixa sa sœur d'un air peut-être trop ahuri. Elle allait le frapper, s'il continuait. Mais il faisait de son mieux pour la suivre. Vraiment. Une autre personne. Sinon ça n'avait aucun sens. Soit. Elle n'aimait pas les câlin, ça la rebutait. Oui, ça, il l'avait malheureusement bien compris. Compris, mais pas forcément accepté, alors l'aîné continuerait à parfois la prendre dans ses bras. Peut-être qu'une expression un peu trop surprise déforma les traits de son visage. D'accord, son cerveau avait plus oui moins enregistré que ceci n'était qu'une mise en scène visant à lui faire comprendre quelque chose. Mais. Tout de même. D'elle-même, Erena venait de le prendre dans ses bras. Après sa petite blague, et son geste plus ou moins compatissant, c'était un peu beaucoup pour le cœur du grand-frère Kamiya. Ses grands yeux la fixèrent tandis qu'elle s'éloignait déjà. Il devait répondre quelque chose. « Tu m'as fait un câlin... » Aucun sens. Elle mentait. Clignant plusieurs fois des yeux, Haruto se reprit au mieux. Hochant vaguement la tête, il l'écouta le plus attentivement possible.

Son regard se perdit dans le vide, quelque part entre Erena et la table basse. Oui, il savait bien. Mentir, c'était si facile. Et les gestes parlaient parfois beaucoup plus. Un homme pouvait assurer aimer sa femme, s'il la battait, ça n'avait aucun sens, ce n'était qu'un mensonge. Le psychiatre savait tout ça. Comme, au fond, il savait pour Ji Hoon. Que s'il ne l'aimait pas, il ne l'embrasserait pas. Pas comme ça. Mais sans savoir pourquoi, Haruto avait peur. Son meilleur ami lui avait menti. Son meilleur ami lui cachait des choses. Il l'avait admis lui-même. Peut-être que ça arrangeait le Japonais. Que souffrir un peu, dans le brouillard, valait mieux que souffrir beaucoup, dans le soleil. Un rire surpris le prit, à l'analyse de sa cadette. Pas l'air hétérosexuel ? Si Ji Hoon l'entendait, il s'en offusquerait énormément. Avec son petit bichon. Kimyaki, leur fils. Lui non plus, ne devait plus avoir l'air très hétérosexuel.

« Je ne sais pas quoi te dire... » Poussant un profond soupir, Haruto se laissa retomber contre le dossier du canapé. « Ji Hoon aime les femmes. Vraiment beaucoup. Même si... » Il n'osait finalement pas le dire de vive voix. C'était quand même peut-être faux. « Jamais il ne l'avouera. » Et ça lui brisait le cœur beaucoup plus que ce dont il s'était attendu. Toute trace de sourire disparut de son visage. « Il m'a dit qu'il m'aimait, mais sur le coup... » Son regard retrouva celui de Erena. « Ça voulait pouvoir tout dire... Je veux dire, je vous aime, toi et Haruno. Ou j'aime Yue. Ça ne signifie pas que j'en suis amoureux. » Ses yeux se levèrent pour fixer le plafond, tandis qu'un énième soupir s'arracha de sa gorge. « Il m'a dit de rester avec ma petite-amie. Mais il avait l'air... Je ne sais pas, résigné. »  Haruto dévisagea sa cadette. Est-ce qu'il lui avait parlé de Minah ? Il ne l'avait présentée à personne. Seul Hiromu la connaissait, puisque c'était à lui qu'il devait leur rencontre. Nouveau soupir.

Il aimait Ji Hoon. Ce n'était pas réciproque ? Ce doute terrible l'assaillait encore, toujours. Haruto faisait au mieux pour ne pas y penser. Parce que sinon, il deviendrait véritablement dingue.

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Sa petite-amie. Haruto avait-il toujours le droit de la considérer ainsi, sachant qu'il ne nourrissait pas les mêmes sentiments qu'elle ? Non, Minah n'était sûrement pas amoureuse non plus. C'était la femme parfaite pour lui, disaient certains. Elle était aussi belle qu'intelligente. Drôle également, et avait de la conversation. Ils formaient un couple idéal. Trop idéal, trop parfait. Le genre qui n'existait que dans les dramas. Preuve était que le love interest de l'héroïne était amoureux de son meilleur ami. C'était simplement cruel, et le Japonais ne savait pas ce qu'il devait faire vis-à-vis de la jeune femme, et de leur situation. « Min Ah, oui. » Appuyant au mieux sur l'accent coréen, bien qu'il se doutait que Erena se fichait sûrement de savoir qui elle était. « Tes fans ne sont pas au courant ? » Petit sourire en coin. Tant mieux, ce serait effrayant de se savoir stalké de la sorte. Et si elles se rendaient compte qu'il aimait Ji Hoon ?

Haruto entendait bien les mots de sa sœur. Cette dernière avait totalement raison, mais... Sans savoir pourquoi, il insistait pour qu'il y ait un mais. Ça lui semblait si énorme, que ses sentiments soient partagés. Par un homme. Par Lee Ji Hoon. Non, ce serait trop beau, il le savait bien. Cette scène, le psychiatre la rêvait, ce n'était pas la réalité. Ce ne pouvait avoir lieu, Erena qui lui balançait ce qu'il voulait entendre. Parce que, définitivement, ardemment, Haruto voulait que ce soit réciproque. Il désirait Ji Hoon, qu'il soit à lui, et inversement. Peut-être ne réfléchissait-il pas à tout ce que cela impliquait, mais il avouait volontiers ne pas vouloir y penser maintenant.

« Est-ce que c'est si évident ? » Relevant les yeux sur Erena, l'aîné la fixa un instant. « Je veux dire, qu'il m'aime en retour ? » Un petit rire embarrassé franchit ses lèvres. Sa question lui paraissait si ridicule. Il raisonnait comme une collégienne qui vivait son premier amour, et cherchait du réconfort auprès de sa sœur, plus expérimentée. Bien que, pour le coup, cette dernière affirmation n'était peut-être pas tout à fait vraie. Erena ne lui parlait jamais de ses petits-amis, et il valait peut-être mieux. Vu la manière dont elle parlait de l'amour, peut-être n'avait-elle jamais aimé. Et la question de Haruno lui revint cruellement en mémoire. Mais ce n'était pas le moment d'y réfléchir.

Roulant ses lèvres l'une sur l'autre, le psychiatre fit de son mieux pour remettre ses idées en place. C'était presque humiliant pour un homme comme lui, qui se targuait de connaître la nature humaine, que d'être si perdu. « Je ne veux pas le forcer, j'ai peur qu'il s'éloigne. » Joignant ses mains sur ses genoux, Haruto fixa ses doigts qui jouaient nerveusement entre eux. « Il reste mon ami le plus précieux. Je ne veux pas le perdre. » Un profond soupir ponctua son aveu. Retrouvant un sourire timide, il osa à nouveau planter son regard dans celui de sa cadette. « Tu sais, Erena, même si j'en souffre un peu, s'il continuera à me mentir, je serai heureux de l'avoir dans ma vie. » Sa main passa distraitement dans sa chevelure rouge, frôlant ses oreilles dont la couleur n'en avait rien à envier. « C'est la première fois que je suis amoureux, et bizarrement je le vis bien. » Très bien même. Le rythme chaleureux de son cœur prouvait à quel point il était tombé pour l'homme le plus parfait à ses yeux. Haruto ne savait pas de quoi l'avenir était fait, mais ce dont il était certain, c'était qu'il voulait le vivre avec Ji Hoon. Parce que ce dernier resterait son meilleur ami, et quoiqu'il arrive, il l'aimerait toujours.

Son regard intense scruta alors un instant Erena. « Et toi ? Tu n'es jamais tombée amoureuse ? » Son ton s'était fait beaucoup moins niais, peut-être même un peu plus froid. « De Zhang, par exemple ? » Elle ne lui répondrait sûrement pas, mais même s'il devenait un peu trop romantique lorsqu'il pensait à son Coréen, il n'oubliait pas pour autant le Chinois qui tournait autour de sa sœur. Haruto n'avait pas tout compris de leur histoire, mais ce qui était sûr, c'était que malgré tout, il restait le grand-frère Kamiya, celui qui était un peu trop protecteur, que Haruno et elle le veuille, ou pas.

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C'était évident. Bien sûr que ça l'était. Haruto ne savait même pas pourquoi il posait la question. Au fond, il le savait, que Ji Hoon l'aimait comme lui l'aimait. Plus que comme un simple ami. Le meilleur, bien entendu. Mais pas que. Il y avait toujours eu cette bulle, ce monde à part qu'ils partageaient. Leur relation avait toujours été spéciale. Il lui avait fallu du temps pour comprendre. Un peu plus pour l'accepter. Désormais, le psychiatre était clair sur ses sentiments. Il était clair sur ses sentiments. Ils étaient complètement et irrémédiablement amoureux de son meilleur ami. Et c'était réciproque, quoi que ce dernier en dise. Cependant, oui, jamais Haruto ne l'obligerait à avouer, et tant pis s'il souffrirait effectivement. Leur amitié comptait trop pour risquer de le perdre. Peut-être qu'un jour, nonchalamment, il lui demanderait. En plaisantant, s'il le voyait mal à l'aise.

« Non, ça ira. » Il n'était pas comme ça. Du moins, le psychiatre voulait le croire. Et si Erena avait raison ? Non. Il refusait d'y penser. Ce serait peut-être douloureux – sûrement – mais il était prêt à y faire face. Perdre Ji Hoon était exclu, Haruto avait trop besoin de lui. Sa vie, il ne la voyait pas sans le Coréen. Rien que de tenter de se l'imaginer lui donnait une impression de vide immense. « Tu as raison. » Ne pas se poser de questions, laisser les choses venir, voir de quoi le futur serait fait. Il y arriverait. Son regard observait Erena. Que pensait-elle réellement de toute cette histoire ? La question lui brûlait le bout de la langue. Pourtant, il ne la lui posa pas, ne sachant pas comment il réagirait, si elle usait de son ton moqueur, comme elle en avait l'habitude. Peut-être bien que ça lui ferait trop mal, que ce sujet était un peu trop sensible. Parce que Haruto se sentait un peu seul, à assumer ses sentiments. Soit-disant non réciproques. Cependant, il n'en voulait pas à Ji Hoon. Jamais.

Parler  de Zhang lui donnait une certaine diversion. Un moyen de penser un peu à autre chose que ses sentiments pour Ji Hoon, qui l'angoissaient et le rendaient si heureux à la fois. Plus que ça ? Haruto la dévisagea un instant. Il ne pouvait s'empêcher de s'imaginer la relation entre sa sœur et le Chinois complètement tordue. Un sourire vrilla le coin de ses lèvres. Son esprit pur et romantique ne s'en trouva pas affecté, et la pique l'amusa plus qu'elle ne le blessa, puisqu'au fond, ce n'était pas faux. Aussi se fit-il un plaisir d'en jouer. « Donc, tu es amoureuse. » Peut-être qu'agacer Erena l'amusait un peu trop. « Tu l'aimes. Tu as des sentiments pour ce garçon. » Haruto pinça les lèvres, avant de se courber un peu, façon à lui de s'excuser pour sa plaisanterie. A la question de sa cadette, l'aîné éclata de rire. Ce n'était pas si bête, en y pensant un peu. Bon, si, quand même. « Je ne me suis jamais intéressé à notre arbre généalogique. L'un de nos ancêtres à peut-être combattu en Chine, tombant amoureux d'une femme de là-bas ? » Et si du sang chinois coulait dans leurs veines ? « Ji Hoon n'arrête pas de répéter qu'il nous trouve tous les trois trop beaux pour être Japonais. » Même si son meilleur ami les pensaient plutôt Coréens.

« Tu comptes évoquer ce sujet avec Haruno ? » Le grand-frère redevint aussitôt sérieux. « Toi ? » Le regard qu'il darda sur Erena se fit critique. Il occulta le fait qu'elle l'avait inclus dans sa plaisanterie, occultant également ce détail au passage – considérant que c'en était bien une, avec sa sœur, on ne savait jamais. Hésitant un instant, il se décida à lui dire ce qu'il avait d'abord voulu garder pour lui. « Elle pense que tu ne l'aimes pas. » Et Haruto avait eu beau tout faire pour la convaincre, avoir cherché des arguments en la faveur de l'aînée des deux, il ne pouvait nier avoir eu du mal. Ses yeux scrutaient alors Erena et – fait rare – pas l'ombre d'un sourire aux lèvres. Et si Haruno avait raison ?

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